Bailleurs sociaux et legaltech : la rencontre

Publish date: 2024-08-30

Le marché français de la LegalTech s’est constitué à partir de 2013 (1) et se développe rapidement en s’appuyant sur les technologies de dématérialisation et d’automatisation (2). Trois tendances se sont dessinées en 2021 (2) : le retour des solutions dédiées aux particuliers, la consécration des entreprises comme cible privilégiée et l’explosion de la part des professions juridiques (avocats, notaires…) dans la clientèle. A cela s’ajoute un frémissement : la convergence entre les solutions LegalTech et d’autres acteurs économiques dont les collectivités locales (3) et les bailleurs sociaux.

Les bailleurs sociaux, les LegalTech et la crise sanitaire

 « Le déclencheur de notre digitalisation fut évidemment le premier confinement. Il nous a fallu rapidement, trouver des solutions agiles pour gérer notamment les réunions institutionnelles, se souvient Sylvie Zanella, juriste au sein de Pluralis Habitat, membre du groupe Procivis Alpes Dauphine. « La réflexion sur la digitalisation était engagée avant la crise sanitaire au niveau du groupe Procivis Alpes Dauphiné pour des raisons liées à la transition écologique, ne serait-ce que pour réduire la consommation de papier » précise Géraldine Pisella, assistante du secrétaire général de Pluralis Habitat. Une trajectoire qui fait écho à celle du groupe Polylogis. Son directeur juridique groupe, Franck Girouard, qualifie lui-aussi le confinement de déclencheur : « Nous disposions d’une solution dédiée à la compliance Sapin II et de la visioconférence. Depuis, nous nous sommes dotés de la signature électronique, d’une solution pour la recherche juridique ciblée, Doctrine, et d’une pour la gouvernance et le secrétariat juridique,Octolo en cours d’installation ».

Les bailleurs sociaux, un marché limité et exigeant

Les LegalTech ont donc avec les bailleurs sociaux un potentiel de développement conséquent. Mais ce marché est-il attractif ? « Notre benchmark s’est fait évidemment dans le strict respect de la réglementation applicable au secteur des bailleurs sociaux, explique Sylvie Zanella (Pluralis). Le Code du commerce s’applique à toutes les sociétés commerciales sauf règles dérogatoires issues du Code de construction pour la société mère et ses filiales. Cela constitue un écosystème très spécifique, notamment pour les catégories d’actionnaires. Très peu de LegalTech savent appréhender ces spécificités ». Franck Girouard (Polylogis) confirme : « Le marché LegalTech ne propose que rarement des solutions spécifiques aux bailleurs sociaux ; c’est à nous de nous adapter ».

De fait, si le secteur LegalTech comporte beaucoup de structures positionnées sur des marchés de niche, elles se développent avec des marchés où les acteurs sont nombreux. Or, en 2021, selon l’Union sociale pour l’habitat, les organismes HLM ne sont que 581 (4), contre près de 10 000 sociétés d’avocats et plus de 6000 études notariales.

Enfin « lorsqu’un bailleur social recherche une solution tech, il doit s’assurer que celle-ci sait s’adapter aux spécificités du secteur mais aussi à ses propres spécificités » ajoute Sylvie Zanella (Pluralis Habitat). Ainsi, en matière de gouvernance, chaque organisme a ses propres règles. Cela exige donc une solution adaptable et une équipe de développement réactive. Mais en cas de rencontre, les bénéfices sont nombreux.

Les bailleurs sociaux et les apports d’une LegalTech

Premier bénéfice : la diminution du recours au papier. Une dimension importante car les process traditionnels des bailleurs sociaux sont de grands papivores.

De plus, une solution LegalTech favorise un développement du numérique aisé. Elles sont en général d’adoption facile par les juristes : « la dimension intuitive est très importante » souligne Franck Girouard (Polylogis). Les intervenants externes, tels que les administrateurs, peuvent être plus rétifs mais « une formation, et surtout l’utilisation, ont levé les réticences » précise Géraldine Pisella (Pluralis Habitat).

Autre apport : la sécurité. « Nous recherchions d’un outil partagé collaboratif, en interne et en externe, permettant un niveau de confidentialité supérieur aux lettres postales et mails pour les envois de documents » indique Géraldine Pisella, « et aussi pour les votes qui dans un schéma classique se font à main levée » complète Sylvie Zanella.

« le début est fastidieux : il s’agit de structurer des données, précise Géraldine Pisella. Mais les résultats sont là : gain de temps, moindre risque d’erreurs, traçabilité ». A date, le potentiel de la solution adoptée n’est pas pleinement utilisé et les deux collaboratrices de Pluralis Habitat attendent avec gourmandise presque son déploiement complet :« cela supprimera bien des tâches répétitives et donnera de la valeur ajoutée à nos missions ». Franck Girouard (va plus loin : « Avec la forte croissance de Polylogis diligentée par la Présidente du Directoire Karine Julien- Elkaïm, une unité de méthode de travail et une supervision au niveau groupe des activités juridiques sont nécessaires. Tel est le vrai apport d’une solution tech ».

Les points de rencontre possibles entre LegalTech et bailleurs sociaux

Sylvie Zanella, dont l’organisme a déjà numérisé les dossiers des locataires, les états des lieux ou les baux commerciaux, a deux attentes, précises et en lien avec la solution d’automatisation du secrétariat juridique et gouvernance récemment adoptée : « mettre fin aux contraintes et aux délais autour du registre papier certifié en mairie via la signature électronique sur les PV avec un espace numérique. Et disposer d’un espace dédié aux entrées et sortie des actionnaires et aux versements des dividendes ».

Selon Franck Girouard (Polylogis) pour qui une LegalTech doit fournir « une nouvelle façon de travailler, une aide à la décision et un gain de temps », le champ des possibles entre LegalTech et bailleurs sociaux semble large : gestion des impayés, du recouvrement, du contentieux, du parc immobilier, des contrats, de la relation locataire… à quelques réserves près. Pour le directeur juridique groupe dont le périmètre comprend le corporate, le contentieux hors locatif, le conseil aux opérationnels et dirigeants et les contrats, l’adoption de certaines solutions ne se décide pas au sein des seules directions juridiques - « un outil de gestion des contrats est multi-directions et concerne également les directions opérationnelles. » - voire pas au sein de l’entreprise: « j’avais songé à Predictice mais à la réflexion, c’est peut-être plus un outil pour le niveau fédéral HLM afin d’ajuster les conseils le cas échéant».

  • https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2021-01/InfographieLegalTechV4.pdf
  • https://www.banquedesterritoires.fr/legaltech/actualites/mieux-comprendre-le-poids-de-la-legaltech-dans-la-frenchtech
  • https://www.banquedesterritoires.fr/legaltech/actualites/barometre-legaltech-2021-ou-en-est-la-legaltech-francaise-et-quelles-sont-les-principales-tendances
  • https://www.banquedesterritoires.fr/legaltech/actualites/legaltech-secteur-public-un-mariage-inattendu-et-prometteur
  • https://www.union-habitat.org/sites/default/files/articles/pdf/2022-08/ush-chiffrescles-nationaux-2022.pdf
  • ncG1vNJzZmivp6x7o63NqqyenJWowaa%2B0aKrqKGimsBvstFoo56fkaHBpq%2FHaJicrKWWuarAxKxmm5mZobmmwdGsZKynk56utsSMnqtmpJWcrq3AxJyfZqSRYr%2BmusKopa2qlQ%3D%3D